A la dérive de Charles Berberian
On a pu manquer le gros ours et le petit pingouin dérivant sur un morceau de banquise dans les pages de Philosophie Magazine, mais on peut les retrouver dans ce bel album réunissant une centaine de dessins de Charles Berberian.
Le dessinateur et scénariste est aussi amateur de philosophie. Neuf notions (ou couples de notions) du programme de philosophie de terminale forment l’objet de sa méditation amusée : la justice et le droit, le bonheur, le travail, l’autre, la religion, l’existence, la culture, le désir, la conscience et l’inconscient.
Chaque page dessinée est associée à une citation d’un philosophe célèbre : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » (Marx) ; « Le moi n’est pas maître dans sa propre maison » (Freud) ; « L’enfer, c’est les autres » (Sartre), etc. sans oublier l’incontournable « Je pense donc je suis » de Descartes. Mais le dessin n’est pas une simple illustration de la citation, il est en dialogue avec elle. Parfois, c’est en la lisant que l’on comprend et que l’on sourit du dessin ; parfois au contraire, le dessin fait sourire de la citation ; parfois, il la prend à la lettre ; parfois, elle sert à ridiculiser les personnages. On s’amuse de ces allers-retours.
On sourit surtout aux dépens du pingouin, personnage grandiloquent, avide, égoïste et insupportable. Or, le morceau de banquise à la dérive forme une sorte de huis clos, le huis clos qui a précisément fait dire à Sartre : « L’enfer, c’est les autres ». L’enfer, c’est surtout de dériver avec ce pingouin. Heureusement, l’ours est stoïque.
Ces situations, bien sûr, parlent de l’humain et de sa propre dérive dans l’existence et le temps. La phrase de Guy Debord nous le signale d’entrée de jeu : « Le sentiment de la dérive se rattache naturellement à une façon plus générale de prendre la vie ».
Charles Berberian, Petit traité de philosophie : À la dérive, Hachette, 2017, 120 p., 17,95 €.