Karabakh Carpet
Tout commença par une lampe solaire pour l’Artsakh. Une demande avant le départ, une petite place dans la valise, un contact. Et puis, une rencontre. L’équation était simple. C’est ainsi que j’ai découvert, nichée au 4e étage du centre commercial Tashir, une boutique de tapis : Karabakh Carpet.
Créé en 2013, l’objectif est de développer et promouvoir un savoir-faire ancestrale : le tissage de tapis traditionnel arménien en laine. 1 savoir-faire, 3 ateliers, 150 employés et une multitude de tapis colorés de différentes tailles, de sacs tissés, expédiés aux 4 coins du monde. Et tout cela, Made in Artsakh. Un premier atelier ouvre ses portes à Shushi en juillet 2013, suivi de l’atelier-mère en août de la même année, puis d’un troisième atelier à Djardar. Il n’y a pas de sous-traitant. La laine vient d’Artsakh. Les tapis sont tissés dans les différents ateliers, puis colorés et lavés selon des procédés spécifiques, à l’atelier-mère à Stepanakert.
La signature du cessez-le-feu en novembre 2020 et ses conséquences entraînent la perte de l’atelier de Shushi, se trouvant désormais entre les mains de l’Azerbaïdjan. 40 personnes y étaient employées. Sur ces 40 personnes, 7 travaillent désormais à Stepanakert. Certaines familles se réfugient en Arménie. Contraintes d’abandonner ou de brûler leur maison, un retour en Artsakh est encore incertain pour ces familles.
Malgré la perte d’un atelier, l’organisation n’a pas connu de changement drastique de manière générale. Le plus dur est de garder le moral. Continuer à travailler malgré la perte d’un enfant, d’un mari, d’un père, d’un cousin. Mais Karabakh Carpet c’est avant tout une grande famille. On s’entraide, on se soutient et on continue d’avancer. Car préserver les emplois, c’est préserver l’autonomie des familles.
La question qui se pose aujourd’hui, au lendemain de cette nouvelle guerre sanglante, où le bas niveau économique du pays n’est qu’exacerbé, à l’heure où la pandémie de la Covid-19 entraîne un écroulement de l’économie mondiale : quelles ressources, autres que touristiques peut offrir l’Arménie ? De quelle manière pouvons-nous accompagner le pays dans son développement économique ? Il est évident que les projets sont nombreux, que des structures locales existent déjà, souvent méconnues. Une culture riche et la préservation d’un savoir-faire ne peuvent qu’être la source de nombreuses initiatives. Les projets de la diaspora pour accompagner un développement sur le long terme sont rares, où du moins peu connues ou peu encouragées. Il serait intéressant de témoigner de notre solidarité en soutenant le développement des petites structures locales.
Comme disait un chauffeur de taxi que j’ai rencontré le temps d’un trajet : « Là-bas [en France], il y a du travail, mais pas de travailleurs. Ici, il y a des travailleurs, mais pas de travail ». Cette simple phrase met en relief une réelle problématique. Une vérité indéniable couplée à une illusion persistante que l’herbe est plus verte ailleurs. Et si nous commencions à sortir du schéma de l’aide humanitaire ponctuelle pour adopter celui de la solidarité pertinente permettant un accompagnement du développement économique sur le long terme ?
Et si nous, en tant que diaspora, prenions enfin le temps d’écouter les réels besoins des Arméniens ?
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Karny Bedikian