27 décembre 1969: première parution du journal « Yeridasart hay »
A partir du 27 décembre 1969, avec l’apparition à Beyrouth de la revue bi-mensuelle Yeridassart Hay (la jeune arménienne), l’opposition aux structures traditionnelles de la diaspora prend carrément un visage politique. Au début, le courant de pensée qui s’exprime dans cette revue s’inscrit dans le prolongement naturel des idées ébauchées lors des années précédentes — remise en question des partis traditionnels, critique de l’idéologie de la « conservation de l’Arménité » (Hayabahbanoum), recherche d’une identité diasporique — bien qu’il adopte, dans son cas, un ton de révolte radical, déballant sur la place publique des scandales de tous ordres, dénonçant violemment l’anachronisme des institutions traditionnelles, maniant tour à tour la satire et la polémique, Yeridassart Hay devient, dès sa première année, la bête noire de tous les partis politiques arméniens. Tout est mis en œuvre pour faire taire cette voix rebelle : campagne de presse, pressions physiques et morales sur les rédacteurs et les sympathisants de la revue, interdiction de vente dans les quartiers contrôlés par le parti Dachnak, etc… Mais ces tentatives restent, au début tout au moins, sans grand effet sur la diffusion de la revue et son audience.
A partir de 1972, jugeant que le « diasporisme » conduit à l’impasse tout aussi certaine que celle de la « conservation de l’arménité », la revue adopte peu à peu une nouvelle orientation politique. Elle estime qu’on ne peut comprendre la diaspora et la léthargie dans laquelle elle est plongée sans procéder à une analyse de classe des structures traditionnelles du « pouvoir arménien ». En anesthésiant le peuple arménien sous prétexte que « la conjoncture internationale n’est pas propice à une solution de la question arménienne » et qu’il faut donc se contenter de « conserver l’arménité », les partis politiques arméniens se font les alliés des classes au pouvoir dans les différents pays où vivent les Arméniens, écrit Yeridassart Hay. Le corollaire de cette politique est d’une part, la soumission de ces partis à des gouvernements réactionnaires et, d’autre part, les « privilèges » que parfois ces gouvernements leur accordent (ex. : Liban, Iran). La question arménienne suppose que l’on combatte l’impérialisme et ses alliés et elle ne peut être résolue que par une guerre de libération nationale et une lutte armée, proclame la revue.
Le mot est lancé : lutte armée. Nous sommes en 1973.
[…] Survient alors, à partir d’avril 1975, la guerre civile libanaise. Elle sera fatale […] à Yeridassart Hay. Le dernier numéro paraît, en effet, le 29 mars 1975. Croulant sous les dettes, affaibli par les attaques des partis politiques traditionnels et surtout coupé de la masse de ses lecteurs qui résident dans les quartiers désormais sous contrôle exclusif de la droite libanaise, Yeridassart Hay disparaît.
(Via le magazine « Critique socialiste »)