Luttes arméniennes

21 février 1944: mort de Missak Manouchian

Missak Manouchian est né le 1er septembre 1906 dans l’Empire ottoman. Rescapé du génocide des Arméniens de 1915, alors que ses parents sont assassinés, il se réfugie dans une famille kurde, il est ensuite élevé avec son frère dans un orphelinat en Syrie, avant de rejoindre Marseille en 1925 à l’âge de 19 ans. Il y apprend la menuiserie, vit au jour le jour, tout en fréquentant les universités ouvrières fondées par la CGT (confédération générales du travail). À Paris, il est ouvrier aux usines Citroën du quai de Javel à Paris. Il fait partie des fondateurs de deux revues littéraires, Tchank (« L’Effort ») et Machagouyt (« Culture »). Adhérent au parti communiste français à partir de 1934, membre du groupe arménien, il est rédacteur en chef du journal Zangou, qui tire son nom d’un fleuve de la région d’Erevan.

En 1940, l’État français fait le choix de se joindre aux forces d’occupation nazies et collaborer avec elles. L’appareil administratif, juridique et répressif, ainsi que les services de presse, sont mis au service de l’Allemagne nazie. La France promulgue les lois raciales de septembre 1940 et sera complice du plan génocidaire mis en place contre le peuple juif et de tous les crimes commis sur les minorités et opposants.

Catalogué comme communiste étranger, Manouchian est poursuivi pour ses activités militantes. Arrêté en juin 1941 lors d’une grande rafle préventive ordonnée par les Allemands à la veille de l’invasion allemande de l’URSS, il sera détenu dans un camp près de Compiègne avant d’être relâché faute de charges suffisantes.

Cependant, il ne faut pas attendre la collaboration pour que la France fasse la chasse aux étrangers. Les camps de concentration ou les colonies de travail pour les réfugiés et étrangers suspects sont déjà en place. Missak Manouchian sera interné en 1939 pour ses opinions politiques.

Manouchian est l’un des premiers Arméniens à rejoindre les francs-tireurs partisans de la main-d’œuvre immigrée (les FTP-MOI), ces unités de la résistance communiste qui ont, à partir d’avril 1942, conduit la guérilla dans les grandes villes de France contre l’occupant nazi et la police française.

Ces unités sont composées d’étrangers, d’immigrés, de réfugiés ou d’apatrides. Des hommes et des femmes qui étaient alors discriminés et victimes de ségrégation et ayant l’expérience de la persécution. Les arméniens en faisaient partie et Manouchian a fait le choix de la lutte armée. « Il y en a marre des tracts, maintenant il faut combattre avec les armes », confiera-t-il alors à Arsène Tchakarian, dernier survivant du groupe Manouchian, décédé en 2018.

Il participe pour la première fois à une action armée à Levallois-Perret, le 17 mars 1943 à 8 heures, jetant une grenade sur un détachement allemand. L’attentat cause la mort d’un soldat et en blesse quinze autres. En août de la même année, il prend la direction militaire des FTP-MOI parisiens. Leur fait d’armes le plus spectaculaire sera l’attentat qui coûte la vie, le 28 septembre 1943 au général SS Julius Ritter, le superviseur en France du service du travail obligatoire (STO), qui enverra des dizaines de milliers de travailleurs français en Allemagne pour servir de main d’œuvre forcée pour l’industrie nazie.

La police française met ses meilleurs agents sur la surveillance de Manouchian et de ses camarades. Il aura fallu plusieurs mois de filature et d’enquête acharnées pour que la police mette la main sur le réseau et sur Manouchian. Il sera arrêté le mardi 16 novembre 1943 et détenu à la prison de Fresnes.

En détention, il écrit une lettre d’adieu à sa femme Mélinée, on retrouve dans ces dernières ligne le poète mais aussi le résistant qu’il était. « Je m’étais engagé dans l’armée de la libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. Bonheur ! à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la liberté et de la Paix de demain. »

Missak Manouchian est fusillé le 21 février 1944, au Mont Valérien, aux côtés de 22 autres combattants FTP-MOI, tous étrangers. Son nom est accolé par la propagande allemande sur l’affiche rouge éditée en février 1944, à une représentation de « chef de bande » auquel sont imputés « 56 attentats, 150 morts, 600 blessés ». Cette affiche visait à discréditer la Résistance mais a eu l’effet inverse et elle est devenue l’un des symboles, comme le groupe Manouchian, de la lutte internationale contre le fascisme et l’oppression.