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« Arménie, un génocide sans fin et le monde qui s’éteint » De Vincent Duclert

La république d’Artsakh : quelques milliers de kilomètres carrés où se joue l’avenir des relations internationales. Une reddition éclair à inscrire dans le temps long.

L’historien Vincent Duclert consacre cet essai incisif aux enjeux de l’agression azerbaïdjanaise contre la république d’Artsakh et des menaces pesant sur la république d’Arménie. La période que nous vivons, cruciale pour la survie d’une Arménie au sud du Caucase, l’est aussi pour l’avenir des relations et institutions internationales, de même qu’elle amène à réfléchir à la fonction de l’histoire et au rôle de l’historien dans la cité.

« Le monde qui s’éteint » est celui que l’on a tenté de construire tout au long du XXe siècle après les guerres mondiales et les violences de masse, tirant les leçons de la dangerosité des États s’ils ne sont pas soumis à un droit international et à des institutions supranationales, voire mondiales. Or, le sort de la république d’Artsakh, comme les autres agressions contemporaines, démontre la faillite de ces institutions face aux régimes autoritaires et décomplexés et ce retour à la pure loi du plus fort n’est rassurant pour aucun peuple.

L’anéantissement de l’Artsakh, en deux temps, a été « rapide » : en 2020, une guerre de 44 jours et, ces derniers jours, une attaque de 24 heures pour propager la terreur dans une population affamée depuis neuf mois et désarmée. Mais, en historien, Vincent Duclert situe ces « moments » dans un processus mortifère au long cours qui passe, entre autres, par le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman en 1915 et le négationnisme d’État de la Turquie ; c’est pourquoi il qualifie les violences actuelles de processus génocidaire, un processus qui prolonge celui du siècle dernier et poursuit le même objectif.

Alors, à quoi sert de connaître le passé si les mêmes violences se reproduisent et quels doivent être la position et le rôle de l’historien ? Pour Vincent Duclert, l’objectivité de l’historien ne consiste pas à rester impassible devant les crimes contre l’humanité. Il l’a déjà montré en co-fondant le CSI (Conseil scientifique international pour l’étude des génocides) qui analyse et fait connaître les faits génocidaires. Aujourd’hui, face au danger mortel auquel les Arméniens du Caucase, après ceux de l’Empire ottoman, sont confrontés, Vincent Duclert estime qu’il doit combattre, combattre avec l’histoire.

Vincent Duclert, « Arménie, un génocide sans fin et le monde qui s’éteint », Les Belles Lettres, octobre 2023. 136 p., 9,90 €.