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Bouygues en Azerbaïdjan

La communauté arménienne de France a été choquée de voir le reportage de TF1 au 20h, qui relayait la propagande du régime de Bakou. Quelques jours plus tôt, une journaliste de France 24 avait pourtant alerté sur le fait qu’elle n’avait pas pu faire son travail dans une totale liberté en Azerbaïdjan. On ne peut donc pas penser que TF1 n’ait fait ici qu’une erreur journalistique, il faut se poser des questions. Et la réponse vient peut être du groupe Bouygues, qui détient la chaîne télévisée, et de la relation de ce groupe avec les dictatures post-soviétiques.

Détour par le Turkménistan

Le groupe a une certaine réputation dans un autre Etat d’ex-URSS : le Turkménistan. Dirigé par deux chefs d’Etat depuis l’indépendance, Saparmourat Niyazov (1991-2006) puis Gurbangulay Berdymuhammedov, 179ème pays sur 180 selon RSF en termes de liberté de la presse en 2020, le Turkménistan n’est pas un modèle démocratique. Dès son indépendance, le pays a la réputation d’avoir voulu se fermer aux étrangers. En revanche il s’ouvre à certaines entreprises étrangères, parmi lesquelles, Bouygues, sur la construction en matière de haut de gamme. Selon Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Bouygues a même l’exclusivité sur cette gamme de construction. Palais, ministères, banques, théâtres, mosquées sont construits par la filiale de Bouygues Construction au Turkmenistan. Bouygues Turkménistan représenterait plus de la moitié de l’activité internationale du groupe sur la période 1995-2015.

Bouygues a également un rôle dans la communication du régime turkmène. À l’indépendance, c’est TF1 qui modernise la télévision d’Etat. Saparmourat Niyazov sera même invité dans les locaux de TF1 pour une interview de 45 minutes. Le dirigeant turkmène de l’époque a également écrit un livre, considéré comme un livre quasi saint par la propagande du régime, le Ruhnama. Le groupe Bouygues a entrepris de financer la traduction du deuxième volume de ce livre en français. Plus que de travailler avec l’un des régimes les plus opaques au monde, le groupe Bouygues a brillé dans son zèle pour relayer la propagande de ce régime, à l’intérieur du pays comme à l’étranger.

La place de Bouygues en Azerbaïdjan

Revenons désormais au sujet qui nous intéresse, et quelle place Bouygues a en Azerbaïdjan. Petit retour historique :

  • En 2001, Bouygues Offshore gagnait un contrat, pour une valeur de 170 millions d’euros, pour la construction d’infrastructures offshore pour le champ de pétrole Azeri en mer Caspienne (Oil&Gas Journal, 5 septembre 2001). Depuis, Bouygues Offshore a été racheté par l’entreprise italienne SAIPEM.
  • En 2007, l’entreprise de telecoms Azercell signe un accord avec Bouygues Telecom en 2007 (Azertag, 8 novembre 2007).
  • En 2014, Bouygues Travaux Publics, filiale de Bouygues Construction, remportait son premier contrat en génie civil en Azerbaïdjan. La filiale de Bouygues a commencé à concevoir et construire une station de métro sur le Bakou Metropolitan, pour 147 millions d’euros.
  • Lors de la première édition des Jeux Européens en 2015, qui prend place à Bakou, des représentants de Bouygues étaient présents (Azertag, 16 juin 2015).
  • Le 20 juillet 2018, le directeur général adjoint de Bouygues Travaux Publics, Marc Adler, rencontre Ilham Aliyev pour développer la relation entre l’Etat azerbaïdjanais et l’entreprise (Azertag, 20 juillet 2018).

On voit bien que le groupe Bouygues a des intérêts de longue date – et des ambitions pour l’avenir – en Azerbaïdjan. Quand on connait la collaboration avec le régime du Turkménistan, en particulier comme relais de propagande de l’ancien Président Niyazov, on peut imaginer quelles synergies le groupe peut trouver avec la dictature d’Aliyev. On comprend d’autant mieux le reportage de TF1.

Sources :
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Turkménistan, CNRS Editions, 2010
David Garcia, Bouygues, le bâtisseur du dictateur, Le Monde diplomatique, Mars 2015

Charjoum