AKANJOGH ou l’appropriation du féminisme en Arménie.
Le 8 mars, l’Arménie célèbre la journée de la femme. En cette journée les femmes arméniennes se voient offrir des fleurs, des réductions, des entrées gratuites… Une journée qui célèbre la femme en véhiculant des stéréotypes sexistes toujours très ancrés dans la société arménienne.
En arménien, femme et épouse sont un même mot (կին). La femme est une épouse, une mère, mais elle n’est généralement pas représentée comme un individu ayant des aspirations, des ambitions individuelles.
Encore très conservatrice, il serait toutefois très réducteur de ne pas voir les avancées et les initiatives individuelles sur les questions relatives à l’égalité qui émergent dans la société arménienne.
Si la Révolution de Velours a catalysé l’envie et le besoin de changement, nombreuses sont les thématiques encore taboues. La place de la femme dans la société, les violences sexuelles, l’acceptation des minorités LGBTQ+ sont tout autant de thématiques sensibles, parfois présentées comme extérieures aux priorités du pays. Des concepts importés qui menaceraient la société arménienne.
Anahit Ghazaryan and Gohar Khachatryan cassent les codes et invitent les arméniens à s’approprier ces thématiques grâce à AKANJOGH, leur émission de podcasts.
Sur AKANJOGH, sont abordées les questions des violences domestiques et sexuelles, du viol, du consentement, de la discrimination fondées sur le sexe, des comportements toxiques, de la maternité…
Loin de cette positionner en donneuses de leçons, Anahit et Gohar créées un espace de discussion, de partage. Elles parlent aux femmes et aux hommes de leur temps et prennent à contrepied l’idée de la nécessaire préservation des » valeurs arméniennes ». D’ailleurs, elles réfutent cette expression !
« Qu’est-ce qu’une valeur arménienne ? Personne ne le sait, c’est flou ».
Une société où les femmes, les minorités LGBTQ+ ne se sentent pas en sécurité, où les femmes et les hommes sont enfermés dans des cases, transmet-elle vraiment des valeurs positives ?
Cette initiative unique en son genre rend le débat accessible à tous. En s’exprimant dans leur langue maternelle, elles intègrent certains termes étrangers dans le lexique arménien, mais surtout, elles intègrent ces thématiques comme étant des éléments importants dans l’Arménie d’aujourd’hui. Écoutées majoritairement en Arménie, mais aussi aux États-Unis, au Liban, en France, en Russie…
Des podcasts nécessaires qui permettent aux arméniens d’ici et d’ailleurs de comprendre les enjeux de la société arménienne d’aujourd’hui.
Pour écouter et réécouter les podcasts d’Anahit et Gohar :
https://podcasts.apple.com/us/podcast/akanjogh/id1468948843
En parallèle de leurs travaux pour AKANJOGH, Anahit Ghazaryan travaille sur la vie et le travail de Mariam Sahinyan (1911-1996), première femme photographe en Turquie.
Gohar Khachatryan est directrice de programme au sein de Birthright Armenia, un organisme qui permet aux jeunes arméniens issues de la diaspora d’effectuer un volontariat en Arménie.
Article rédigé par Anahid Toufanian pour Charjoum