L’ami arménien d’Andréï Makine
Hasard ou pas, L’ami arménien paraît en plein déchaînement de la haine azéro-turque envers les Arméniens et constitue l’un des rares bienfaits de cette période.
Depuis son premier ouvrage La fille d’un héros de l’Union soviétique (1990) et surtout depuis son Testament français (1995), distingué par le prix Goncourt et qui l’a rendu célèbre, Andréï Makine a initié ses lecteurs à son univers : la beauté de la nature sibérienne, la douloureuse vie sociale qui s’y déroule dans des villages désolés, la ténébreuse et épineuse question de l’identité, le malheur du peuple soviétique et bien d’autres thèmes que l’on retrouve dans L’ami arménien. Pourtant, Andréï Makine surprend radicalement ici son lecteur le plus assidu qui va de surprise en surprise.
Le souvenir d’une amitié avec un adolescent de son âge permet à l’auteur de dévoiler de nouveaux aspects de la vie sibérienne tout autant que de sa réflexion et de sa vie. Il redonne vie à l’éphémère « royaume d’Arménie » qui le fascine et est constitué de quelques familles arméniennes installées dans le quartier dit du « Bout du diable » en attente du procès des leurs promis aux camps. Mais nulle part ailleurs que dans ce monde d’humains abîmés, la dignité, la générosité, la volonté de réparer le mal ne trouve sa plus haute expression. Et c’est ce monde, profondément humain malgré tout, que la modernité post-soviétique brutale et vulgaire détruit à jamais.