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Le village suisse d’Avétis Aharonian

Étudiant en Suisse au début du XXe siècle, Avétis Aharonian découvre avec émerveillement un État de droit. Les villages suisses où il passe ses congés lui permettent d’établir de multiples comparaisons avec les villages arméniens et orientaux où règnent l’arbitraire, l’ignorance, la violence et l’obscurantisme.

Kourbat’-Haroun est le pseudonyme d’Avétis Aharonian pour ces vingt nouvelles « lettres persanes » adressées à un ami resté au pays. Même principe : un Oriental voyage en Europe et s’étonne de ce que l’Européen trouve normal; mais, si le but de Montesquieu était de réveiller l’Europe en lui montrant que ce qu’elle admet ne va pas de soi, le but d’Aharonian est de réveiller l’Orient, en particulier les Arméniens, qui acceptent avec fatalisme des conditions de vie dégradantes.

Si les lettres du jeune Kourbat’-Haroun sont empreintes d’une certaine naïveté, elles n’en constituent pas moins un travail ethnographique d’autant plus intéressant qu’il s’appuie sur un remarquable effort de remise en cause de soi par la comparaison avec l’autre. La critique virulente des pratiques en cours dans le monde rural arménien n’empêche pas l’auteur d’éprouver un vif attachement à son peuple. Il espère simplement que le remède à tous les maux liés à l’ignorance sera un jour trouvé dans une instruction généralisée.

La Suisse, où chaque paysan et chaque paysanne connaissent leurs droits et leurs devoirs, savent lire, s’informent dans une presse libre, se respectent mutuellement et sont gouvernés avec sagesse est un modèle qui guidera le militant de la Fédération Révolutionnaire Arménienne et le Président de la première République d’Arménie que deviendra Avétis Aharonian.

Sévane Haroutunian livre ici une traduction fluide, assortie de notes et d’une bio-bibliographie de l’auteur, permettant de découvrir un texte jusqu’ici inédit en français et, à bien des égards, encore d’actualité.

Avétis Aharonian, Le Village suisse, Turquoise, 253 p., 22 €