Naissance d’Antranik, chef fedayi arménien, cauchemar de l’armée turque.
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Antranik Toros Ozanian nait à Chabin-Karahissar le 25 février 1865.
À l’âge de 17 ans, il est emprisonné pour l’agression d’un gendarme turc qui avait maltraité des Arméniens, mais avec l’aide d’amis, il s’évade de prison.
En 1892, il est à nouveau arrêté pour sa participation à l’assassinat du chef de la police de Constantinople, l’arménophobe déclaré Yusup Mehmet Bey. Antranik s’évade encore de prison. Passé par les rangs des partis Hentchak puis Dachnak, il défend les villages arméniens des régions de Mouch-Sassoun lors des massacres hamidiens. Il se rallie à un autre fedayi de légende, Sérop Aghpiur. Après l’assassinat de ce dernier par Khalil Bey, Antranik devient commandant en chef du maquis où les escouades de Sérop avaient déjà établi des zones arméniennes semi-indépendantes en expulsant les représentants du pouvoir ottoman. Plus tard, Khalil Bey commet de nouvelles atrocités contre les Arméniens et Antranik s’acquitte lui-même de la vengeance en exécutant le Bey, exhibant comme un trophée la médaille offerte par le sultan à l’assassin de Sérop. Antranik « était alors la terreur des Turcs et les forces armées du sultan lui donnèrent une chasse sans trêve », note Trotsky en 1913, époque où il est journaliste. Antranik s’attelle à la défense des villages arméniens de la région de Mouch-Sassoun lors des massacres hamidiens.
Des milliers de soldats turcs ont pour mission de capturer Antranik. En novembre 1901, lui-même et 50 fedayis sont encerclés au monastère Sourp Arakelots, près de Mouch, par 1 200 soldats de l’armée ottomane. Après des semaines de résistance, alors que tout semble perdu pour les maquisards, ces derniers parviennent à briser le siège et à prendre la fuite. Antranik « endossa l’uniforme d’un sous-officier turc assassiné – explique Trotsky – il « inspecta les corps de garde des Ottomans et, dans un excellent turc, ordonna de rester sur le qui-vive pendant qu’il indiquait à ses hommes le chemin de la fuite».
En 1904 commence le soulèvement du Sassoun contre le pouvoir du Sultan et les irréguliers kurdes. Les Arméniens refusent de payer l’impôt féodal. C’est tout naturellement au Sassoun que l’on retrouve Antranik à la tête de l’insurrection. Mais, alors que les grandes puissances ferment les yeux, comme à leur habitude, la répression et les massacres s’abattent une fois de plus sur les populations arméniennes.
Il part ensuite pour l’Europe où il s’engage dans un plaidoyer en faveur de la lutte de libération nationale des Arméniens. Puis en 1907, il participe au congrès de Vienne du parti Dachnak où il milite âprement contre l’alliance avec les Jeunes Turcs. N’acceptant ni les compromis, ni les tractations, il prend ses distances avec ce parti. L’année suivante, il refuse la proposition de ce parti (légal depuis la révolution Jeune Turque de 1908), de présenter sa candidature à l’élection au parlement ottoman.
Loin de lui l’idée de rester inactif; il s’installe à Sofia où il s’engage dans le mouvement de libération de la Macédoine contre l’Empire ottoman. Antranik y commande une compagnie de 230 volontaires arméniens (qu’il dissoudra en 1913 prévoyant la guerre entre la Bulgarie et la Serbie).
Au début de Première Guerre mondiale, Antranik prend la tête des volontaires arméniens de l’armée russe. Son bataillon se distingue particulièrement lors de la bataille de Dilman en avril 1915. Par la victoire de Dilman, les forces russes et arméniennes sous le commandement du général Nazarbekian empêchent les Turcs d’envahir le Caucase via l’Azerbaïdjan iranien.
Alors que le 24 avril 1915 commence le génocide des Arméniens planifié par les Jeunes Turcs, Antranik, avec son unité, entre à Van (le 19 mai). Il aide l’armée russe à prendre le contrôle de Chatakh, Moks et Tatvan (rive sud ouest du lac de Van). Puis, avec son concours, la ville de Mouch est capturée par les Russes en février 1916.
Après la Révolution de 1917 et le retrait de l’armée russe, Antranik conduit encore la défense d’Erzeroum, mais est contraint de se retirer vers l’est. En mai 1918, les forces turques sont arrêtées par la victoire arménienne de Sardarabad. Le 28 mai, l’indépendance de l’Arménie est proclamée mais, le 4 juin, le Conseil National Arménien (dominé par le parti Dachnak) signe le traité de Batoum avec l’Empire ottoman : l’Arménie renonce à ses droits sur les provinces anatoliennes, restriction territoriale qu’Antranik condamne comme un renoncement. Il quitte la jeune République pour le Nakhitchevan, puis, pour le Zanguezour où avec plusieurs milliers de volontaires, il combat les forces turques qu’il empêche d’établir une connexion avec l’Azerbaïdjan, contribuant à conserver un Zanguezour arménien malgré la signature du traité de Batoum.
En raison des désaccords d’Antranik avec le gouvernement Dachnak et des machinations diplomatiques des Britanniques dans le Caucase, Antranik dissout sa division et quitte définitivement l’Arménie au printemps 1919.
De 1919 à 1922, Antranik parcourt l’Europe et les États-Unis à la recherche de secours pour les réfugiés arméniens et collecte des fonds. En 1922, il s’installe en Californie où, après une vie de combats, il meurt en août 1927. Il est enterré au cimetière Ararat de Fresno d’où il était prévu de transférer sa dépouille en Arménie (désormais soviétique). Mais à l’arrivée en France, les autorités soviétiques refusent l’entrée en URSS. Le corps reste donc en France et, après un deuxième service funèbre, est enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris le 29 janvier 1928. Il faut attendre 1965 pour que la mémoire d’Antranik soit célébrée en Arménie soviétique et 2000 pour que ses cendres soient transférées en Arménie indépendante, où il repose désormais, au cimetière des héros à Yerablur.
Le Général Antranik, par sa vie et ses combats, symbolise l’esprit de résistance acharné du peuple arménien.
Après sa rencontre avec Antranik à Marseille, Aram Turabian écrit à son propos : « C’était un livre ouvert devant mes yeux et je n’avais que la peine de tourner les pages pour approfondir la vie de ce héros romantique qui pendant 40 ans avait été un objet de cauchemar pour les Turcs et un objet d’admiration et d’adoration pour ses compatriotes. Pendant que l’Arménie pleurait la perte de son meilleur fils, la Turquie poussait un soupir de soulagement »